Généralement partagé avant un cours de yoga, un ‘dharma talk’ est un moment de réflexion avant le mouvement. Une lumière intérieure.
J’avais huit ans, nous étions en mer, au large de Tanger. Le ciel était clair. La Méditerranée presque immobile. C’était un jour sans tension. Un jour comme les autres. Le meilleur ami de mon frère a sauté d’un rocher. Un saut comme tant d’autres. Mais cette fois-là, sa montre s’est détachée. Une montre transmise par son père. Un père décédé. Et soudain, tout a changé. Mon cœur s’est serré. Il n’y avait plus de jeu. Je me suis figée. J’ai su, sans qu’on me le dise, que cette montre ne pouvait pas être remplacée. Qu’elle était plus qu’un objet. C’était un lien. Une mémoire. Un fragment de ce qui ne reviendrait jamais.

Je me souviens de cette sensation. Comme si le monde s’était effondré. Comme un glacier qui s’écroule. Je l’ai vu au Perito Moreno, en Patagonie. Un fracas. Un bruit de fin du monde. Une détonation lente et profonde. Et l’intuition soudaine que la terre entière, un jour, s’embrasera. Perdre quelque chose de précieux. Le voir couler sans pouvoir rien faire. Et devoir rester là. À la surface. C’est une image du désespoir. Et puis mon frère a plongé. Sans dire un mot. Il a sauté droit dans cette eau sombre. J’ai pensé que c’était un geste fou. Vain. La mer était profonde. Les courants traîtres. La montre minuscule. Mais il a plongé quand même. Et quelques longues minutes plus tard, il est remonté. Il l’avait retrouvée.
Video by Alex Kydd - Corals, Australia
Depuis ce jour, cette image me revient chaque fois que je perds contact avec ce qui me meut. Chaque fois que je ne sens plus le désir. Quand tout est devenu plat, lointain, sans écho. Ce n’est pas toujours dramatique. Mais c’est sourd. C’est long. C’est comme si tout coulait lentement sous la surface. On croit que c’est fini. Que c’est trop tard. Qu’on ne retrouvera jamais ce lien avec ce qui compte. Mais parfois, il suffit d’un plongeon. D’un geste presque absurde. Sans garantie. Sans stratégie. Il suffit de dire : Je ne sais pas où c’est, mais je vais quand même essayer. Et ce geste-là change tout.
Pas parce qu’il garantit le résultat. Mais parce qu’il rétablit le lien. Avec l’audace. Avec la fidélité. Avec cette part de nous qui ose encore croire que ce qui compte est retrouvable. Ce n’est pas une technique. Ce n’est pas un plan d’action. C’est une posture intérieure. Plonger. Pas pour prouver. Pas pour produire. Mais pour dire : je suis encore là.
Alors si tu as perdu le goût. Si ton désir est tombé au fond. Si tu as peur que ce soit fini. Reste calme. Rapproche-toi du bord. Respire. Et quand tu es prête… plonge. Tu ne sais pas ce que tu vas retrouver. Mais tu sais pourquoi tu plonges. Et c’est déjà tout.
Stay Stellar,
Salima